Arnon Grunberg
Le Figaro,
2003-03-20
2003-03-20, Le Figaro

Une jeune garde sans complexe


Bruno Corty


frères en désespoir de l'Amon des Lundis bleus. Comme ce dernier, ils souffrent d'avoir pour parents des menteurs, des hystériques, des ratés glorieux. Le père d'Harpo est écrivain et sa seule réussite est un livre de cuisine intitulé La Cuisine juive polonaise en 69 recettes. La mère de Marek est une excentrique qui collectionne amants, voitures de sports, et règle ses crises de nerfs en criblant les murs de coups de feu.
Comment grandir et survivre dans cette ambiance délétère ? En se réfugiant dans la névrose, l'obsession sexuelle? Le lecteur succombe à l'humour ravageur de l'écrivain, à la loufoquerie totale des situations, des dialogues. Il est aussi violemment secoué par le désespoir qui suinte de ses histoires.
(...)

Voici cinq romanciers, cinq voix originales, qui expriment toute la vitalité d'une littérature néerlandaise qui s'exporte sans complexe dans toute l'Europe et aux Etats-Unis. Deux ont déjà été traduits en France, les autres n'ont pas fini de nous surprendre.

(….)

Arnon Grunberg a-t-il l'âme tourmentée Après le coup d'éclat des Lundis bleus, premier roman publié à 22 ans, comparé à l'Attrape-Coeurs de Salinger et à Goodbye Columbus de Philip Roth, le jeune écrivain a quitté Amsterdam pour gagner New York. Là, il a mitonné le plus beau canular littéraire depuis l'affaire Gary/Ajàr. En 2000, il publie en effet sous son nom Douleur fantôme et sous le pseudonyme de Marek van der Jagt, L'Histoire de ma calvitie. Ce dernier remporte aux Pays-Bas le prix du meilleur premier roman que Grunberg avait déjà remporté avec Lundis bleus.
Pourquoi ce canular ? «Il ya plusieurs manières d'échapper à sa propre histoire. Le suicide, par exemple. L'ambition peut, elle aussi, être une excellente échappatoire, une évasion par le haut. Et puis, il y a aussi l'évasion suprême: le changement d'identité », affirme Grunberg en octobre 2002 dans De Volkskrant. Dans L'Histoire de ma calvitie, le narrateur qui s'appelle aussi Marek, confie au lecteur: «On peut changer de tout, de passeport, de couleur de cheveux, de vêtements, de nom, de religion, de profession, on peut même changer la couleur de ses yeux ! Mais comment se débarrasser de sa mémoire ?» I1 y a de toute évidence des choses sombres, des secrets, avec lesquels l'écrivain se débat. Marek et Harpo-le héros de Douleur fantôme, sont bien