Arnon Grunberg
Le Populaire du Centre,
2017-09-26
2017-09-26, Le Populaire du Centre

Le dramaturge flamand, pour la première fois à Limoges, avec deux pièces, Les Héros et L’Humanité


Muriel Mingau

Figure majeure de la scène internationale, le Flamand Josse De Pauw donne deux pièces, L’Humanité et Les Héros. Ecrites en flamand, elles sont traduites en français pour les « Francos ». L’humain est au cœur de leur propos.

Josse De Pauw est tout à la fois auteur, interprète, metteur en scène. Après ses nombreux succès sur maintes scènes prestigieuses comme Avignon, la renommée de cet artiste, à l'œuvre inventive, profonde, très inspirée par la musique, n'est plus à faire. Il n'était jamais venu à Limoges. Cela sera chose faite après Les Francophonies où il donne les deux premiers volets d'une trilogie dédiée à tout ce qui fait l'humain, Les Héros et L'Humanité. Ce dernier texte est adapté de Louée soit l'humanité, d'Arnon Grunberg, l'un des plus importants auteurs néerlandais.

Dans un monde de plus en plus bouleversé, y-a-t-il urgence à convoquer l'humain sur scène ? Non, c'est plutôt moi. Je suis bouleversé. C'est peut-être dû à mon âge, 65 ans maintenant. Je vois le monde avec d'autres yeux. Il ne se porte pas bien. S'est-il bien porté un jour ? Ce qui me bouleverse m'a bouleversé voici quinze ans, c'est le texte d'Arnon Grunberg et la définition que ce jeune auteur, alors âgé de trente ans, donnait de l'humain. Quinze ans plus tard, j'ai eu envie de le porter à la scène.

L'Humanité fait l'apologie de l'être humain, a contrario de l'image négative qu'il a souvent de lui-même. Pourquoi ? On exige beaucoup de l'être humain. Ne faudrait-il pas être moins exigeant ? Alors, Arno Grunberg a écrit ce plaidoyer pour l'humanité mais, attention, il comporte aussi une accusation. Il le fait d'ailleurs avec beaucoup d'ironie. Au fond, l'être humain est comme il est. Il faut donc essayer de le comprendre. Commencer par le comprendre, tel qu'il est décrit avec tant de véracité par Arno Grunberg, est peut-être le seul moyen de changer quelque chose en lui.

Dans ce spectacle, vous jouez l'acteur. Arnon Grunberg joue l'écrivain. Le jazzman Kris Defoort, compositeur du spectacle, joue le pianiste et la cantatrice Claron McFadden la chanteuse. Pourquoi cette mise en abyme ? Je le fais souvent. Moi même je ne suis pas un acteur de transformation. Sur le plateau, je m'amène moi-même. Quand j'invite quelqu'un sur scène, je lui demande la même chose. Je veux le voir lui, qu'il soit lui-même, même si l'art lui apporte aussi de la fantaisie, de l'irréel, une autre dimension.

Vous avez écrit Les Héros, que vous jouez seul en scène. Ce texte aborde la question de savoir ce qu'est un héros aujourd'hui… Au début, je voulais savoir si l'héroïsme est encore d'actualité. En travaillant, j'en suis venu à me demander ce qui se passe quand quelqu'un n'est pas capable d'héroïsme. Est-il exclu de la société ? C'est ainsi que j'ai imaginé un homme qui voit un enfant tomber dans un canal. Cet homme ne sait pas nager. Il ne saute pas. Il ne parvient pas à être un héros. C'est un poème que j'ai écrit en cours de répétitions, avec la musique de Dominique Pauwels. Ce poème amène un état, un état porteur de questions, plutôt que de réponses.

Est-ce que la traduction en français des deux textes modifie quelque chose sur scène ? Je les ai en effet réappris en français. C'est toujours une surprise. Le français apporte de l'élégance, une musique. Le néerlandais est beaucoup plus « terre à terre ». Le français s'envole parfois. Il me faut alors jouer avec ces caractéristiques de la langue. Le public change aussi. Les Français aiment le texte, le verbe. Ils aiment que la parole roule, danse. Il est bon d'en tenir compte sur scène.

Quel sera le troisième spectacle de la trilogie ? Les Aveugles, de Maeterlinck, l'être humain perdu qui cherche un guide.

A quoi sert le théâtre ? (Rires). Il donne l'occasion à l'être humain d'observer d'autres humains, de tout près, dans le noir, protégé. Au cinéma, celui qui joue n'est pas là. Au théâtre, il l'est. Dans notre monde d'images, cette présence est précieuse. Elle permet une confrontation avec soi-même, intime et vivante.