Arnon Grunberg
Sud Ouest,
2011-11-28
2011-11-28, Sud Ouest

La sotte congruence des incongrus


L. de Montvert-Chaussy

Dire que Grunberg se moque de la critique serait sans doute excessif. Il aime trop la provocation pour ne pas s'en délecter et plutôt la moquer. Encensé ou vilipendé, il s'en gausse, on l'imagine aisément, aussi goguenard à lire les éloges que les avis acides. Il tient une place certaine dans la littérature néerlandaise, même s'il vit désormais à New York. Il a reçu deux fois l'Anton Wachter Prize, sous son nom et un pseudonyme, et suscite volontiers les polémiques, notamment en comparant le séducteur de Kierkegaard à un personnage de Houellebecq, « la vulgarité en moins ».

« Mon oncle » est un pavé dont le héros sert de repoussoir aux rebellions narquoises de l'auteur. Un militaire, qui a formaté ses principes sur ceux de l'État qu'il sert, ramène d'une mission une petite orpheline qu'il offre à sa femme, Paloma.

Le couple a une piscine, mais pas d'enfant, malgré de louables efforts. Le major est convaincu que l'amour maternel est un devoir dont les mécanismes s'acquièrent. Il fait confiance à la morale. Pourtant, Paloma maudit la fillette qu'il lui impose, et Lina, derrière une apparente passivité, se comporte en parfaite hôte de passage. Flirtant évidemment avec le burlesque - lire « Tirza » ou « Le Messie juif », farces décapantes -, Grunberg met en avant ses propres obsessions pour caricaturer la conscience torturée des petits soldats nourris de convictions branlantes et étonnés que la raison ait du mal à convaincre le cœur. Cynique, doucereux, absolument réjouissant. Âmes complaisantes ou conciliantes, surtout, s'abstenir.