Le Bonheur attrapé par un singe d'Arnon Grunberg
Yaël Hirsch
Après la parution du « Messie Juif », très grand roman baroque, drôle et touffu aux Editions
Héloïse d’Ormesson en septembre, Arnon Grunberg s’impose à nouveau en cette rentrée de
janvier comme un des plus grands écrivains néerlandais.
Jean-Baptiste Warnke est un parfait diplomate néerlandais en poste à Lima à la fin des années
1990. Soigné et méticuleux jusqu’à la transparence, père de famille modèle, et matérialiste sans
excès, il fait partie sans fierté ni honte de ces « sous-bouffons généraux » que fustigeait Albert
Cohen dans « Belle du Seigneur ». Deux traits le caractérisent cependant : sa capacité au bonheur
et à la gratitude le rendent sympathique, une certaine raideur, mais en revanche son obsession
néerlandaise du politiquement correct social-démocrate l’aveuglent sur les enjeux humains qui
peuvent exister sous la croûte des conventions diplomatiques. Jusqu’au jour où son chemin
pourtant bien balisé dans les quartier les plus chics de la ville croise celui de la très jeune et très
pulpeuse Malena...
Quittant l’hyperbole joyeuse et scandaleuse qui caractérisait le « Messie Juif », Arnon Grunberg
ne se départit pas de son ironie mordante pour faire le portrait d’un fonctionnaire néerlandais si
bien zélé qu’il ne fait pas d’excès de zèle. Le pétage de plomb du bonhomme est assez jouissif,
puisqu’il le rend enfin intéressant. Sorte de Scarlet O’Hara de la diplomatie hollandaise, le trop
correct Warnke se s’anime que lorsqu’il a déjà foutu sa vie et sa carrière en l’air. En moins de 150
pages, c’est tout familial.