Arnon Grunberg
Le Magazine littéraire,
2007-09-01
2007-09-01, Le Magazine littéraire

Le Messie juif


Rachel Grandmanin

Nul doute qu'Arnon Crunberg ait étudié d'assez près Nietzsche, Schopenhauer et la Bible — ou alors il dispose de bons résumés.
On le soupçonnera aussi d'avoir fréquenté Voltaire et Sade, lu quèlques documents concernant Machiavel et Hitler, exploré l'humour juif sur divers supports, et enfin de posséder une table de nuit dont, faute de place, Kafka et Philip Roth doivent choir régulièrement.
Car pour écrire ce conte philosophique impressionnant sur « l'ironie de l'histoire », l'auteur n'arrive pas exactement les mains vides. Et ne recule devant rien pléthore de personnages secondaires, invraisemblable et provocation, brutal télescopage du farcesque et du tragique Maîs qui veut traiter de l'histoire peut bien lui emprunter ce qui est, après tout, sa forme et son contenu. Ainsi Xavier Radek, jeune Suisse présentent la particularité d'être non seulement goy mais en outre petit-fils de SS, se découvre tôt un vif intérêt pour la souffrance, et surtout une vocation « consoler les juifs systématiquement » ll y parviendra presque, à petite (par sa relation amoureuse avec le fils d'un rabbin) comme à grande échelle (en devenant Premier ministre d'Israel). Mais Le Messie juif est semé de chausse-trappes. Car Xavier, nourri d'humiliations dès l'enfance, peintre raté et bientôt convaincu qu'il lui faut «accéder au pouvoir» pour remplir sa « mission », finit seul dans un bunker après avoir déclenché un conflit mondial — dont les juifs sont, de fait, tenus pour responsables. Dieu sait si ce roman est souvent drôle, maîs, on le sait, l'ironie de l'histoire, elle, ne prête guère à rire.