Arnon Grunberg
Le Monde,
2021-12-17
2021-12-17, Le Monde

L'incroyable bizarrerie qu'il y a à être en vie


Raphaëlla Leyris

L’écrivain néerlandais a bâti sa réputation méritée sur l’humour rageur et le sens du sarcasme. A 50 ans, il exprime désormais plus de compassion que de raillerie. Le déchirant « Des bons gars » en témoigne.

Sur lui, le temps semble sans beaucoup de prise. De l’autre côté de la visioconférence, Arnon Grunberg, 50 ans, affiche la même allure que lorsqu’il a commencé à être publié en France, il y a plus de deux décennies – y compris en admettant que la connexion médiocre floute quelques effets de l’âge. Même boucles rousses, même dégaine juvénile, même genre de lunettes rectangulaires sur ses yeux myopes et bleus. L’écrivain néerlandais, traduit en vingt-six langues, vit toujours à New York, où il s’est installé en 1995, après l’immense succès, aux Pays-Bas puis à travers toute l’Europe, de son premier roman, Lundis bleus (Plon, 1999). Ce livre, dont le jeune narrateur déambulait à travers un Amsterdam aux airs de lupanar industriel, révélait un humour rageur, un sens spectaculaire du sarcasme, qui élevèrent d’emblée Arnon Grunberg au rang d’« enfant terrible » de la littérature néerlandaise.
Un talent marqué pour la provocation

L’étiquette lui a d’autant plus fortement collé à la peau après qu’a été révélée la mystification à la Romain Gary/Emile Ajar, grâce à laquelle il remporta par deux fois un prestigieux prix récompensant un premier roman : l’un pour Lundis bleus ; l’autre, sous le nom de Marek van der Jagt, pour Histoire de ma calvitie (Actes Sud, 2003). Pendant deux ans, Arnon Grunberg a nié être Marek van der Jagt, jusqu’à ce qu’un logiciel le confonde ; il a cependant écrit quelques ouvrages supplémentaires sous son hétéronyme.

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