Arnon Grunberg
La Libre,
2017-06-08
2017-06-08, La Libre

Josse De Pauw défend l’Humanité


Guy Duplat

L’acteur transformé en avocat de « l’Homme maltraité par l’art » reprend un texte de l’écrivain Arnon Grunberg présent sur scène. Critique Quand Josse De Pauw, fringué comme un avocat, arrive à la barre et parle devant le public, forcément on l’écoute. Sa voix est puissante, efficace. Dans son nouveau spectacle « De Mensheid » (L’Humanité) joué au KVS, en néerlandais surtitré, il prend la défense de l’Humanité bafouée. Il s’inspire d’un texte du grand écrivain hollandais Arnon Grunberg écrit en 2001. « Aucune bête n’a été autant diffamée que l’être humain. Dieu a lui aussi reçu son lot de reproches mais c’est négligeable comparé à ce qu’a dû supporter l’homme. »

L’homme a-t-il été berné de belles paroles où on lui disait qu’il fut créé par Dieu le sixième jour, sommet de la création, pour un monde de justice et d’amour? Tout l’art (films, livres, théâtre, etc.) lui explique le contraire: l’homme serait selon ces artistes, un meurtrier, un pervers, un pédophile, un voleur, etc. Josse De Pauw (Grunberg) convoque à la barre comme témoins, Stanley Kubrick, Balzac, Brecht, Sade, Francis Bacon, etc. Et il accuse ces artistes et penseurs de faire toujours ressortir le pire de l’être humain dans le seul but de faire avancer leur propre gloire. L’espoir et l’amour ne seraient que des leurres pour faire avaler la pilule.

Micro-ondes, papier toilette et droits de l'homme

L’avocat De Pauw vante alors la grandeur de l’homme qui a inventé le four à micro-ondes, la pendule coucou, le papier toilette, l’argent, la fraternité, les droits de l’homme. Un plaidoyer sans cesse ondoyant entre sérieux et ironie.

Pour marquer la grandeur de l’homme, il y a plutôt une soprano sur scène (Claron McFadden) qui commence le spectacle en chantant a capella, seule en une scène, un magnifique chant de Purcell et qui viendra sans cesse ponctuer les mots de De Pauw. Le musicien Kris Defoort y ajoute le piano (le spectacle est coproduit par Lod et le KVS).

Pendant ce temps, obstinément silencieux, Arnon Grunberg lui-même est sur scène et rame sur son « rameur » d’appartement tel un Sisyphe.
On est souvent amusé par ce plaidoyer qui pose ces questions mais on le trouve trop chargé de mots, avec une musique certes belle mais qui semble incongrue.
C’est précisément ces reproches qui arrivent sur scène dans un final surprenant où tout s’inverse. Arnon Grunberg devient spectateur et puis l’acteur sur scène qui improvise chaque soir (les surtitres en français sont alors parfois impossibles !) et se met à reprocher à De Pauw ce trop de mots et l’omniprésence de la musique tandis que De Pauw se met à son tour au rameur et que des colonnes de sable tombent sur ciel comme dans un sablier géant.
La morale de l’histoire serait donc que l’homme est condamné à ramer sans cesse pour lutter contre l’écoulement du temps.